Discours de Mathilde Pflieger

Mesdames et messieurs du Comité Mains d’art, merci de m’avoir confié la très plaisante tâche d’être présidente du jury de cette édition 2015.

Mesdames et messieurs les élu(e)s, merci de parrainer avec bienveillance cette attachante et très féminine manifestation artistique.

Mesdames et messieurs les partenaires, merci pour votre engagement et votre généreuse participation.

Mesdames les artistes, qui aujourd’hui exposez votre talent, c’est à vous que je m’adresse.

Je m’apprête à devenir docteure en histoire de l’art et je n’ai pourtant jamais utilisé à des fins artistiques une boule d’argile, un pinceau, un ciseau pour tailler la pierre, une pelote de laine, une reliure, un pastel, un carré de tissu.

Je suis donc à vos côtés, Mesdames, mais aussi de l’autre côté, celui de la recherche et de l’étude historique qui m’ont amenée pendant de nombreuses années à étudier des hommes du 16e siècle qui, comme vous et aux mêmes endroits, ont toute leur vie utilisé leurs mains d’artistes pour créer des objets sensibles faits pour être vus et pour donner à voir : une idée, un concept, une image, un ornement, une vision du monde, un mélange de couleurs, une matière transfigurée, une certaine idée du « beau », une pensée fugitive, et toujours, quoi qu’il en soit, une affirmation plastique et graphique d’un « je » artistique.

Cette année, les journées Mains d’art sont placées sous le signe de la combativité. A l’origine de ces journées, il y a, souvenons-nous en, le combat d’une femme artiste pour pouvoir s’affirmer en tant qu’artiste et pour que toutes les femmes artistes puissent s’affirmer en tant qu’artistes. Au XIXesiècle, s’affirmer en tant qu’artiste, c’est pouvoir, aux côtés des hommes, être admis à l’Ecole des Beaux-Arts et concourir au prix de Rome. Deux victoires arrachées par Hélène Bertaux à la fin du XIXe siècle, à force de combativité et après des décennies de reconnaissance de son talent de sculptrice.

De nos jours, grâce à Hélène Bertaux, les écoles des Beaux-Arts sont ouvertes à toutes. C’était son combat, le combat d’une vie, le combat d’une artiste, le combat d’une femme qui avait compris que l’art sans lutte, cela n’existe pas.

Aujourd’hui, vous êtes 37 femmes, 37 artistes, 37 « guerrières » à poursuivre ce combat engagé pour l’affirmation de soi par l’art car, être artiste, n’est-ce pas par essence être combative ? Être artiste, n’est-ce pas un combat pour l’affirmation de soi ?

Puisque combattre c’est s’affirmer, alors, en tant qu’artistes, vous êtes de dignes représentantes de la combativité et les dignes successeuses d’Hélène Bertaux.

Laissons donc de côté les goûts et les couleurs, et décernons à toutes les 37 le prix de la combativité. Et je suis bien persuadée que dans 50, 100, 200 ans, une historienne de l’art se passionnera pour votre travail et regardera avec intérêt les journées Mains d’art de Saint-Michel de Chavaignes comme manifestation d’une époque qui avait à coeur de rendre aux femmes ce qui revient aux femmes et ce qu’un certain nombre de civilisations passées et parfois encore présentes se sont efforcées ou s’efforcent toujours d’éluder volontairement.

Donc, Mesdames, merci pour vous, merci pour l’affirmation de vos « je » artistiques et féminins, merci pour vos couleurs, merci pour vos oeuvres insolites, merci pour vos matières et pour vos rêves éveillés.

Et que vive Saint-Michel de Chavaignes, les journées Mains d’art et le prix Hélène Bertaux !